La force du courage
« Les batailles de la vie ne sont pas gagnées par les plus forts, ni par les plus rapides, mais par ceux qui n’abandonnent jamais »
Hassan II
À ADS, les enfants que j’accompagne ont des difficultés diverses : retard de développement moteur, difficultés de langage, troubles du spectre autistique, troubles de l’attention, surdité, etc. A sa naissance, Sadate a été réanimé pendant 10 minutes. 10 minutes qui ont suffi à paralyser une partie de son cerveau suite à un manque d’oxygénation. C’est ce qu’on appelle l’infirmité motrice cérébrale (IMC).
La paralysie cérébrale de Sadate s’exprime principalement au niveau moteur, avec des mouvements involontaires et une hypotonie de la tête qui l’empêche de marcher, de manger, de se laver et de s’habiller seul… Que de freins à l’autonomie ! La première fois que j’ai vu Sadate, nous avons eu du mal à nous comprendre et j’ai pensé qu’il avait aussi des difficultés de compréhension. Je comprends mon erreur dès la fin de la séance ! Dans un langage que je suis incapable de décrypter – et pas seulement parce que c’est en éwé – Sadate dit à sa maman qu’il veux jouer avec les voitures (il se souvenait que Naïs et Angeline en avaient !).
Notre incompréhension mutuelle était en réalité liée à un déficit des muscles de la parole (dysarthrie). Depuis, j’apprends à communiquer avec Sadate, qui, du haut de ses 6 ans, ne cesse de me surprendre par sa vivacité d’esprit et son intelligence.
L’objectif à long terme de l’accompagnement ergo est bien sûr de développer l’autonomie de Sadate dans les activités de la vie quotidienne, notamment la prise des repas, l’habillage et les déplacements. Cela passe par le travail des préhensions, du contrôle gestuel, de la coordination bimanuelle, de l’équilibre assis, de la tenue de tête, du 4 pattes, etc. Sadate a ses exercices favoris, et il n’hésite pas à le faire savoir ! Sachant l’énergie que chaque geste lui demande et l’importance du facteur motivation, je fais le choix de le suivre dans ses envies. Rien n’est facile, un mouvement involontaire et tout est à refaire ! Mais Sadate me bluffe par sa persévérance. Il essaie, ressaie, une fois, deux fois, trois fois.. L’abandon ne semble pas envisageable. Habituée à être très active, je suis parfois tentée de l’aider, pour aller plus vite. Mais le temps suffit à tout, et j’apprends à respecter cela. Et quand je vois la fierté dans les yeux de Sadate en réussite, je comprend pourquoi c’est important de le laisser faire par lui-même. Et c’est d’ailleurs bien l’objectif de l’autonomie .. !
Le jour où il m’a émue aux larmes, j’ai compris quelle était la force de Sadate. Assis sur une chaise, il shoote avec grand plaisir dans le ballon que je lui lance. Je le taquine, il n’aime pas le foot !? Sa maman me traduit ce que Sadate répond en éwé : dès qu’il marchera, il sera footballeur ! N’importe quelle personne penserait que c’est impossible. Mais Sadate croit tellement en lui ! Ouf, le handicap n’enlève pas les doux rêves de l’enfance. Je suis bouleversée par le sourire et les étoiles qui brillent dans les yeux de Sadate à cet instant précis. Et je veux pour toujours m’en souvenir.
Je ne suis pas censée avoir de « chouchou », mais il n’empêche que Sadate me touche particulièrement. Je lui ai dit, il est le garçon le plus courageux que je connaisse ! Et il a déjà compris tout seul que son courage est sa plus grande force.